Dans les points forts, la réalisation de Nolan est toujours exceptionnelle, une réussite. C'est un des rares réalisateurs d'aujourd'hui à avoir une patte, un grin de film bien particulier reconnaissable entre mille. J'ai adoré les décors très midwest de la ferme de Cooper, les jeux de lumières, l'ambiance générale sur Terre, le scénario qui est aussi original que passionnant dans sa forme comme dans son fond (le message d'une Terre qui nous pousse vers la sortie par notre faute est assez fort). Et vient le moment que l'on attend alors tous, le décollage dans l'espace de notre héros sans peur et sans reproche pour faire vibrer le spectateur à son paroxysme. La, c'est un TRES grand moment de cinéma pendant une bonne heure de frisson. J'ai, personnellement, adoré la sensation de vide que l'on se prend dans la tronche pendant les longues séquences sans un bruit, ou juste un souffle léger des personnages principaux, symbole de l'immensité d'un univers que l'on ignore totalement (l'arrivée sur Jupiter et la descente dans le trou noir... OMG). Plus qu'inventif et prenant, on peut même dire qu'Interstellar sera un film important pour le monde du cinéma et de la SF en lui-même car il offre un regard réaliste su les voyages dans l'espace, la vitesse lumière, l'hypersommeil... Tout ce genre de détails qui peuvent s'inscrire dans une sorte de chronologie des films de genre. On aurait eu 2001, Gravity, Interstellar comme fers de lance et récits "réalistes" des voyages intersidéraux amenant aux Alien, Starship Troopers, Star Trek et compagnie. Certaines scènes sont magiques, laissant la mâchoire du spectateur pendre à vu d’œil tant les bonnes idées s'accumulent... au commencement.

Vient ensuite la deuxième moitié du film, que j'évalue à l'arrivée de Matt Damon (là aussi gros point fort du film, la présence de second rôle campés par des acteurs de renoms comme Damon, Affleck, Grace), où s'accumulent toutefois une multitude de clichés évitables (la trahison de Damon, l'énième ultime sacrifice du héros, la mort de Keane au moins aussi puissante que la mort de Cotillard dans Batman (sérieux..), la solution "l'amour nous sauvera" très culcul qui m'a d'ailleurs surpris pour un film de Nolan, Cooper écrivant en morse sur la montre de sa fille, elle-même courant rejoindre son frère en hurlant : c'est papa ! c'est papa !, ce qui m'a valu un léger fou rire dans la salle, le sauvetage in extremis du personnage qui se sacrifiait 12 minutes avant...) et j'en passe. Alors certes je suis d'accord que le film ait l'envie de faire réfléchir, d'aller encore plus loin dans le schéma classique du film de genre, mais le too much à malheureusement tué le too much. En bref, je ne suis pas convaincu du tout de la chute finale qui me laisse plus perplexe qu'autre chose. C'est gros, trop gros à mon sens. J'aurais préféré voir le film continuer sur la trame principale, à savoir trouver un refuge pour le salut de l'humanité, fresque extraordinaire se perdant malheureusement dans une envie d'entrée dans un cinéma intellectuel repoussant les limites des dimensions de manière parfois grotesques.

http://vimeo.com/112284806

Pour la fin, et expliquer qu'il sorte du trou noir et se retrouve pile poil au bon endroit, il y a la théorie des êtres supérieurs qui est très prisée. Car finalement quand tu regardes il y a beaucoup de raccourcis dans le film (le trou de ver qui apparaît au bon moment dans notre galaxie et qui débouche comme par hasard vers des planètes viables). En gros des être supérieurs auraient fourni à l'humanité le moyen de se sauver, mais sans intervenir de manière franche (en gros ils leur ont donné les outils pour, à eux de se démerder). Mais de toute façon dans son ensemble le film est déjà sujet à de multiples interprétations. Perso j'ai envie de le revoir une fois pour essayer de mieux cerner, mais tout le monde peut y trouver son plaisir je pense.

C'est vrai qu'il les ont évoqué deux ou trois fois, mais vu que c'est resté au stade de l'implicite, j'avais oublié cette option. Et en y repensant, ça me convient. En parler clairement aurait détourné le film de son thème, mais là, c'est une ouverture supplémentaire que Nolan nous soumet en finesse. Après de toute manière, tout ce qui touche à l'astrophysique et l'infini me passionne. Donc forcément la question d'une vie "ailleurs" doit se poser ^^'

En plus de la fin, ce qui est très fort, c'est la manière dont Nolan joue sur la relativité du temps pour faire passer les émotions. La scène où Cooper découvre que 23 ans ont été perdus en quelques heures, elle m'a pris aux tripes ! (et pour la peine, super acting de MMC en prime). C'est rare que ce décalage temporel soit utilisé en SF paradoxalement, en tout cas dans tous les films/séries que j'ai vu.

Exact. Je crois que c'est là le réel tour de force du film. Plus qu'un banal voyage dans l'espace comme Gravity le proposait déjà, Nolan nous a envoyé ce phénomène de changement de perception du temps en pleine figure.
Alors bon dieu, je me suis tapé une barre quand ils sont revenus dans le vaisseau, et que pour eux quelques heures sont devenus 23 ans pour le mec dans la station ("Je vous ai un petit peu attendu" ), mais ça force à réfléchir, et à prendre conscience de beaucoup de choses sur notre univers. Je vais pas détailler ici parce que tout le monde s'en fout, mais pour moi, c’est sûrement le plus grand choc émotionnel qu'Interstellar puisse offrir. Et c'est vraiment bon, en plus d'être inhabituel, de ressentir ça.